Refus de réintégration du salarié harceleur : l'employeur peut évoquer son obligation de sécurité
Publié le :
23/02/2022
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Il est un principe assez connu en droit du travail selon lequel le salarié protégé, c’est-à-dire - principalement - le représentant du personnel, bénéficie d’une protection en cas de rupture de son contrat de travail.
À ce titre, l’employeur qui envisage de le licencier doit respecter une procédure bien précise, visant notamment à obtenir l’autorisation de l’Inspection du travail, faute pour le licenciement d’être déclaré nul, et pour l’employeur d’avoir à réintégrer le salarié si ce dernier en fait la demande.
Cette protection n’est toutefois pas absolue et doit être mise en corrélation avec d’autres obligations qui pèsent sur l’employeur.
Par un arrêt du 1er décembre 2021, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’articulation entre l’obligation de réintégration du salarié protégé dont l’autorisation administrative de licenciement est annulée, et l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur.
Cette affaire concerne une directrice, désignée par le MEDEF au conseil d’administration de l’URSSAF, qui fait l’objet d’une première procédure de licenciement pour faute grave, avec autorisation de l’Inspection du travail. L’autorisation est toutefois annulée par la suite, non pas parce que les faits n’étaient pas établis, mais pour défaut de motivation, l’Inspecteur du travail ayant omis d’indiquer dans sa décision que ces faits constituaient une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement.
La salariée demande alors sa réintégration dans l’entreprise, ce que l’employeur refuse au nom de son obligation de sécurité. En effet, le licenciement était fondé sur des faits de harcèlement moral commis par cette directrice.
L’employeur invoque le fait que plusieurs salariés de l’entreprise se sont plaints du management de la salariée licenciée, et estiment avoir été victimes de harcèlement moral de sa part. Certains ont même exercé leur droit de retrait lors de l’annonce de la réintégration de l’intéressée.
Au vu de ces éléments, l’employeur invoquant son obligation de sécurité, s’estime dans l’impossibilité absolue de réintégrer la salariée, et la licencie à nouveau pour faute grave.
La salariée conteste alors son licenciement. L’affaire est portée jusque devant la Cour de cassation qui confirme l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que l’employeur était bien confronté à une impossibilité absolue de réintégrer la salariée.
Ici, la Haute juridiction fait le constat que « tenu par son obligation de sécurité dont participe l’obligation de prévention du harcèlement moral, l’employeur ne pouvait pas réintégrer la salariée dès lors que celle-ci était la supérieure hiérarchique des autres salariés de l’entreprise, lesquels soutenaient avoir été victimes du harcèlement moral de cette dernière et avaient à ce propos exercé leur droit de retrait, de sorte qu’était caractérisée l’impossibilité de réintégration ».
Cette solution est intéressante en ce que la Cour de cassation considère que l'obligation de sécurité prime sur l'obligation de réintégration du salarié protégé. Dans ces conditions, l'employeur est autorisé à reprendre la procédure de licenciement pour faute grave pour les mêmes faits, puisque l’annulation de la première autorisation n’était pas fondée sur la remise en cause des faits reprochés.
La solution pourrait toutefois être différente selon la taille et la structure de l’entreprise, notamment si la réintégration pouvait être opérée dans un autre service ou établissement de l’entreprise, ou sur un poste isolé par exemple.
Référence de l’arrêt : Cass. soc 1er décembre 2021 n°19-25.715
Historique
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